Histoire de l’Artillerie, subdivisions et composantes. > 2- Histoire des composantes de l’artillerie > L’artillerie Antiaérienne et Sol-Air > Récits de faits historiques >
Algérie : l’artillerie antiaérienne sur les barrages frontaliers
 

Retour

Cet article est extrait quasi intégralement de l’ouvrage "Un siècle de Défense sol-air" du colonel (Er) Jean-Pierre PETIT.

L’artillerie antiaérienne sur les barrages frontaliers

(JPG)
Carte sommaire des frontières d’Afrique du Nord

Certaines des formations des FTA qui avaient rejoint l’Algérie apportent leur concours aux Barrages. Ceux-ci sont des obstacles terrestres électrifiés, surveillés, dont les abords sont battus par des feux d’artillerie ; ils sont destinés à s’opposer aux pénétrations adverses à travers les frontières Ouest et Est.

. Sur le barrage Ouest, face au Maroc

Déploiements

La situation tactique et la topographie des lieux conduisirent, à partir de 1957, à implanter des postes « radars-canons » équipés pour surveiller le barrage et les terrains environnants et pour y effectuer des tirs sol-sol. L’originalité de la contribution des FTA fut ici d’utiliser très efficacement et à des fins terrestres des matériels dont la destination première était d’être antiaérienne.

(JPG)
© Musée de l’Artillerie de Draguignan
Déploiement des postes radars canons du II/403 - Barrage Ouest

Ce fut le cas du II/403° RAA qui combattait déjà en Algérie (à pied) et qui fut reconverti en 1957. Il couvrit jusqu’en 1962 une zone allant d’El Aricha au nord à Méchéria au sud, avec son PC à El Aricha ; il arma huit postes radars-canons (appelés postes RC), parfois jumelés par deux au sein d’une même batterie administrative, mais dans chacun desquels était déployé le matériel d’une batterie de tir.

Voir à ce sujet le témoignage du lieutenant (puis capitaine) Henri Baudoin [1] qui est très éclairant sur la composition de sa batterie, ses capacités, son rôle et sa vie de tous les jours : cliquer ici.

(JPG)
© Musée de l’Artillerie de Draguignan
Vue du barrage Ouest

Ce fut aussi le cas du I/7° RAAC (qui deviendra plus tard le I/7° RAAMa) déployé dans le département de la Saoura, son PC étant installé à Assi-El-Haouari puis à Colomb-Béchar, avec des postes étalés sur près de deux cents kilomètres.

Il faut noter également la participation d’autres formations d’artillerie à la sûreté des barrages, équipées de radars du type AN/MPQ-4 ou SDS et de canons d’artillerie sol-sol. Ce furent notamment :

  • Le 17° RA, présent en Algérie à partir du 28 décembre 1957, qui était équipé le 1er janvier 1958 en radars-canons et qui assura la protection de la voie ferrée et du barrage depuis Méchéria jusqu’à Rouiba.
  • Les Groupes I/1° RAC et II/4° RAC.

L’utilisation des matériels d’artillerie par le II/403 [2]

Les batteries de tir destinées au barrage furent équipées initialement de canons d’artillerie de campagne 105 H M2 ou 105 L 36, la surveillance et la détection radar étant assurées par les matériels spécifiques des FTA : les radars Cotal.

(JPG)
© Musée de l’Artillerie de Draguignan
Radar Cotal sur un piton en Algérie

À partir de 1958 la cohérence des matériels fut assurée par la dotation de canons de 90 mm antiaérien, normalement associés dans les unités antiaériennes " lourdes " au Cotal et l’appareil de préparation de tir APT-HF.

L’avantage du canon de 90 était, outre sa forte cadence de tir, sa grande portée en tir à terre : 17 km, ce qui, à défaut de battre les abords des postes voisins, permettait au moins le recoupement des zones d’action.

Puisque conçu uniquement pour la détection et la poursuite des objectifs aériens, les capacités de détection au sol du Cotal étaient en principe nulles en raison des "échos fixes" dus au sol. Or une étude menée par l’ESAA avait permis de constater qu’en différenciant visuellement les échos sur les scopes de précision, on pouvait distinguer un écho mobile d’un écho fixe : l’écho d’un mobile au sol (véhicule, piéton) fluctuait et se déplaçait en distance.

Cette étude aboutit à réaliser un appareil baptisé Berger-Rigal, du nom de ses inventeurs. Branché au Cotal, il permettait à un opérateur entraîné d’explorer le sol sur une direction donnée et d’extraire un écho de mobile des échos de sol, même si ce mobile se déplaçait à basse vitesse. Par son observation visuelle et par l’écoute d’un signal sonore particulier, l’opérateur du Cotal pouvait poursuivre manuellement l’objectif, en déplaçant le lobe radar. Dès lors, par pointés successifs, la route suivie pouvait en être tracée. Ce dispositif fut mis en application sur le barrage et donna des résultats très satisfaisants.

Un inconvénient du canon de 90 (dans son emploi sol-sol par les postes radar-canons) tenait à sa grande vitesse initiale (820 m/s) qui donnait des trajectoires très tendues et provoquait des angles morts importants, quand on voulait tirer depuis un piton situé dans des zones dont le relief était très marqué.

Il convint donc de donner aux postes concernés des moyens supplémentaires, à tir courbe, pour battre les zones mortes.

Le poste RI fut, à cette fin, doté successivement d’une batterie d’obusiers de 75 de montagne italiens et de mortiers de 120 mm (la surface du poste permettait cette double installation dans la même enceinte).

En 1960, le dispositif d’ensemble fut complété par des postes satellites intermédiaires. La 4ème batterie s’étendit avec un poste baptisé R 101, doté d’une batterie de canons de 105 HM2, associée à un radar anti-mortiers AN/MPQ 10.

(JPG)
© Musée de l’Artillerie de Draguignan
Canon de 105 HM2

(JPG)
© Musée de l’Artillerie de Draguignan
Radar AN/MPQ10

. Sur le barrage Est, face à la Tunisie

(JPG)
© Musée de l’Artillerie de Draguignan
Vue du barrage Est (Ligne Morice)

Le barrage Est et les opérations qui en découlaient différaient dans leur nature et leur finalité de ce qui se passait à l’Ouest : on y combattait directement un adversaire constitué, on y affrontait des forces importantes venant de Tunisie. On y essuyait souvent les tirs de l’adversaire.

On y procéda aussi à une surveillance particulière face à une menace aérienne susceptible de venir de l’Est, qui était sans doute insignifiante mais qu’on ne pouvait tenir pour totalement nulle. Trois chaînes de guet à vue furent mises en place, dénommées Juliette, Oscar et Papa et dont la cinquantaine de postes était armée en majeure partie par du personnel des FTA.

Le 452° GAA, devenu groupe du type 951 à trois batteries de canons de 40, fut présent et actif près de Souk-Ahras et Duvivier, puis de Sédrata en août 1961.

Le 1/59° RA, envoyé en Algérie du 1er septembre 1956 au 12 août 1962, fut transformé le 7 octobre 1957 en groupe radars-canons, renforcé par une unité de détection de la Marine nationale ; à partir du 1er juillet 1958 et jusqu’au 27 juin 1962, il assura sur environ 300 km la surveillance du barrage, de Lamy (nord-est de Souk-Ahras) à Négrine (120 km au sud de Tébessa) ; PC à Tébessa puis à Bir-el-Ater à parti du 1er février 1958. Rentré en France, il fut dissous à Sissonne en 1962.

Une des batteries du I/421° RAA vint renforcer temporairement le dispositif du 1/59° RA et s’installa du 30 juin au 1er décembre 1957, au nord de Tebessa (Clairefontaine et Morsott), en poste radar-canon sur le barrage.

La mission antiaérienne d’In Amenas [3]

Il s’agit de la seule véritable mission connue de nature antiaérienne qui fut remplie pendant la guerre d’Algérie.

En septembre 1959, une batterie de tir réduite « de marche » fut formée au sein du 1/401° RAA qui était stationné à Touggourt ; il y était engagé dans des missions de maintien de l’ordre et de contre-insurrection (tenue de postes, patrouilles, ratissage, etc.).

Forte d’une soixantaine d’hommes, cette batterie fut encadrée par un officier et un sous-officier d’active et constituée pour le reste par des cadres et soldats du contingent. Elle reçut cinq canons de 40 mm Bofors et partit pour In Amenas, le 28 novembre 1959 ; son déplacement « routier » prit trois jours.

(JPG)
© Photographies de Louis Sirjacobs.
Situation d’In Amenas, position d’une pièce et photo de groupe de la batterie d’In Amenas

À l’époque, In Amenas n’était qu’un simple lieu-dit, situé au delà du Grand Erg Oriental, à quelques kilomètres de la frontière libyenne. Des installations pétrolières françaises y étaient en cours de montée en puissance. Une unité d’infanterie saharienne en assurait la sureté terrestre.

Avec quatre pièces en batterie du lever au coucher du soleil, l’unité de tir assura une défense antiaérienne diurne permanente des équipements et installations de la CREPS24, dans des conditions climatiques particulièrement difficiles à supporter (chaleur, vent de sable, etc.).

Présente à In Amenas jusqu’à juin 1961, cette unité antiaérienne n’eut à s’y opposer à aucune attaque aérienne.

[1] ultérieurement colonel

[2] D’après un témoignage de feu Guy Hinterlang.

[3] Témoignage et photos de Louis SIRJACOBS.


____________

Base documentaire des Artilleurs