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00-Le Corps Royal de l’Artillerie - Réforme de Vallière
 

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Article extrait de l’"Histoire de l’artillerie française", réalisée sous la direction de Michel de Lombarès - Edition Charles-Lavauzelle 1984.

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Le Corps royal

L’expérience avait montré les inconvénients d’une organisation où les spécialités étaient séparées en différents corps. On fusionna ces spécialités dans chaque unité. L’ordonnance du 20 février 1720 réunit en un seul et même corps, le Corps royal de l’artillerie, tous les éléments employés au service de l’artillerie, y compris Royal Bombardiers ainsi définitivement absorbé, mais à l’exception des troupes chargées d’assurer la protection des canons. Ce corps comprit cinq bataillons, dont les garnisons étaient La Fère, Metz, Strasbourg, Grenoble et Perpignan (Besançon remplaçant Perpignan en 1729). Chaque bataillon comptait huit compagnies, et l’on avait été si loin dans la fusion que chaque compagnie avait des escouades de toutes les spécialités : l’une de 48 canonniers, la seconde de 24 mineurs ou sapeurs, la troisième de 24 ouvriers (avec, dans chaque escouade, moitié d’« apprentis »), cela « afin qu’une compagnie quelconque pût satisfaire à tout service de l’artillerie ».

L’encadrement était très étoffé : dans chaque compagnie un capitaine en premier, un capitaine en second, deux lieutenants, deux sous-lieutenants et deux cadets. En outre, quatre sergents, quatre caporaux et quatre anspessades comptaient dans les escouades. Cela paraît beaucoup ; mais il faut apprécier la richesse de cet encadrement compte tenu des habitudes du temps. Chaque officier avait droit à un semestre de congé tous les deux ans et il pouvait, en outre, demander un congé exceptionnel, qui lui était très généralement accordé, pour traiter ses affaires de famille ou pour convenances personnelles. Si l’on ajoute à cela que nombre d’officiers figurant à l’effectif du régiment étaient détachés dans les places, les manufactures, les écoles, etc., on voit qu’il y avait beaucoup d’absents. A la fin du siècle, le Premier inspecteur général, Gribeauval, invité par le Secrétaire d’état à prendre une sanction contre un officier, décida de renvoyer ce dernier dans sa compagnie dont il était « parvenu à être absent depuis sept ou huit années ». Ce virtuose de l’absentéisme était Choderlos de Laclos. Celui-ci, à qui les Les liaisons dangereuses avaient valu notoriété et réprobation mêlées, venait de publier sans autorisation une critique iconoclaste de Vauban.

A l’expérience, Vallière reconnut avoir été trop loin dans la voie de la fusion et dès 1729 on revint à des compagnies homogènes. Chaque bataillon fut alors composé de deux compagnies de bombardiers, cinq de canonniers et une de sapeurs (chaque compagnie à 6 officiers et 70 hommes dont 36 « apprentis »). Les compagnies de mineurs (cinq, à 5 officiers et 50 hommes dont 22 apprentis) étaient détachées des bataillons, ainsi que les compagnies d’ouvriers (cinq, à 2 officiers et 40 hommes dont 8 apprentis).

L’uniforme de Royal artillerie avait été fixé en 1722 : habit bleu, doublé de rouge, boutons de cuivre, veste et culotte rouges. Quand, en 1729,les mineurs et ouvriers furent séparés des bataillons ils reçurent un uniforme particulier. Pour les mineurs, justaucorps bleu doublé de rouge, veste gris de fer ; pour les ouvriers, justaucorps gris de fer doublé de rouge, veste gris de fer.

Cette organisation demeura jusqu’en 1755 sans profondes modifications. En 1747 les bataillons comptèrent dix compagnies en recevant une compagnie de bombardiers et une compagnie de canonniers supplémentaires. C’est alors que l’effectif de Royal artillerie fut au plus haut, car les compagnies de canonniers et de bombardiers étaient à 100 hommes, celles de mineurs à 75 et celles d’ouvriers à 60. Au total 5625 hommes. Mais deux ans plus tard cet effectif fut ramené à 4400 hommes par réduction des effectifs de chaque compagnie.

La création du Corps royal de l’artillerie étant décidée, il fallait fondre dans ce corps les éléments hétérogènes qui le composaient. Pour donner à ceux qui entraient dans la carrière une formation technique solide on créa auprès de chaque bataillon une école d’artillerie. L’école dispensait tous les matins une instruction théorique ou pratique : trois fois par semaine trois heures de théorie, trois fois par semaine cinq heures d’exercices pratiques. Deux cadets par compagnie suivaient cette instruction ; des volontaires sans appointements pouvaient s’y joindre, ainsi que ceux des bas-officiers et des hommes de troupe qui le désiraient et que le commandement jugeait aptes. Quant aux officiers, ils étaient astreints à suivre des cours, à présenter des mémoires, à exécuter des travaux se rapprochant le plus possible des conditions de la guerre, sans se limiter à une spécialité. Nul lieutenant ne pouvait être nommé capitaine en second, nul capitaine en second ne pouvait passer capitaine en premier sans avoir passé un examen le montrant capable de commander tous les « services ». Des inspections régulières vérifiaient les connaissances des officiers, quelle que fût leur origine, et décidaient de leurs possibilités d’avancement.

Des mesures de transition furent adoptées pour les officiers déjà en service.

On assimila les grades des officiers de l’ancien Corps à ceux des régiments : l’officier pointeur devint sous-lieutenant, le commissaire extraordinaire lieutenant, le commissaire ordinaire capitaine, etc. On s’efforça ainsi de détruire toute distinction entre les officiers d’artillerie. Tous furent astreints à porter l’uniforme de Royal artillerie et tous reçurent les dénominations de grade utilisées dans les bataillons.

L’instruction de la troupe n’était pas négligée : les « apprentis » suivaient une longue formation, vérifiée par une inspection, avant de « passer artilleurs ». Pour surveiller l’ensemble, deux vieux artilleurs, Camus des Touches et Vallière, furent nommés l’un directeur général, l’autre inspecteur général « des Écoles des bataillons attachés au service de l’artillerie ». Avec ces titres différents ils jouèrent le même rôle, chacun dans la zone de responsabilité qui lui était impartie. Après la mort de Camus des Touches, Vallière joua ce rôle sur l’ensemble du territoire. Grâce à leur activité, à leur persévérance et à leur fermeté, en quelques années Royal artillerie devint un corps homogène et bien instruit.


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