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1914 et 1918 : l’artillerie dans les deux batailles de la Marne.
 

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Articles extraits de l’ouvrage : Au son du canon, vingt batailles de l’artillerie, ouvrage collectif sous la direction de Gilles AUBAGNAC, EMCC Lyon 2010, 144 p.(Disponible à la boutique du Musée de l’artillerie)

Les deux batailles de la Marne : 1914 et 1918

Au cours de la première Guerre mondiale, l’artillerie, tout comme les autres armes, est entrée dans une guerre industrielle.

La bataille de la Marne de 1914 est sans nul doute la dernière bataille du XIXè siècle, les combats sur la Marne en 1918 annoncent la guerre mécanique du XXè siècle. Au cours de cette guerre, l’artillerie s’est transformée et a accru le nombre et les types de matériel.

Rappel historique

En 1914, après la Bataille des frontières, l’armée allemande reprend l’initiative. L’armée française se replie vers le sud, pendant que les Allemands mettent en place le plan Schlieffen, pour vaincre les Franco-Britanniques en six semaines avant de se retourner vers la Russie.

La stratégie initiale allemande visait à enfoncer en force le dispositif défensif français en Alsace et effectuer simultanément par la Belgique un large contournement des troupes franco-britanniques pour atteindre Paris en l’abordant par le sud-ouest. Néanmoins, dans le but d’économiser les moyens, cette dernière action n’a pas eu l’ampleur prévue et se limita à une tentative d’enveloppement plus restreint des armées alliées déployées entre les Vosges et la Brie et couper ainsi au plus court vers la capitale.

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Les forces allemandes sont vivement accrochées et ne progressent pas aussi vite que prévu. Après diverses actions de freinage menées entre Alsace et Champagne, c’est le long de la Marne que les armées commandées par le général Joffre, renforcées par les réserves venues de la garnison de Paris et par le corps expéditionnaire britannique, se regroupent afin de stopper, puis de désorganiser, du 5 au 11 septembre, les armées allemandes qui sont alors contraintes à se replier.

En 1918, libérées du front de l’Est par le traité de Brest-Litovsk, les divisions allemandes sont amenées en renfort par chemin de fer afin d’apporter leur soutien pour mener une nouvelle offensive d’envergure en direction de Paris en passant par la Picardie et la Somme.

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Plusieurs attaques sont tentées en mars sur cet axe, puis en mai dans l’Aisne et enfin en juillet dans l’Argonne, la Meuse et en Champagne. Au moment même où les forces allemandes se massent dans la région de Reims pour une nouvelle tentative de passage en force, les unités françaises, renforcées par des unités américaines, belges, britanniques, australiennes et marocaines, contre-attaquent à hauteur de la Marne, infligeant de lourdes pertes à l’adversaire du 15 au 18 juillet 1918.

Harcelé et dispersé par l’aviation, désorganisé et fortement réduit par l’artillerie, bousculé et refoulé par les blindés alliés, il est alors contraint de se replier une nouvelle fois sur ses bases de départ.

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Si l’on observe les deux batailles de la Marne, il apparaît clairement que ces deux batailles, l’une ouvrant la Grande Guerre, la seconde la clôturant quasiment, sont le reflet des mutations profondes qu’a connues l’art de la guerre pendant cette période.

En 1914, les combats sont visibles, et le contraste des uniformes en témoigne : pantalons garance en France, gris en Allemagne. Lors de la deuxième bataille de la Marne, le camouflage l’emporte et les uniformes des belligérants ont des couleurs neutres. La mobilité des troupes ne s’opère plus à pied ni à cheval et plus guère en chemin de fer comme à la première bataille de la Marne, mais en camions, voire en chars.

En 1918,les fantassins ont appris à se poster, sont dotés du casque Adrian. Les armes ont changé aussi. La guerre de tranchées exige un armement particulier : mines, obus à ailettes ou crapouillots, mitrailleuses et bientôt les gaz. Aux canons de campagne de 1914 se surajoutent les canons lourds et à longue portée, les canons à tir courbe.

La dimension du champ de batailles est modifiée, elle aussi : plane en 1914, à trois dimensions dès la troisième année de guerre, avec l’utilisation de l’aviation, des saucisses d’observation.

L’effet de surprise réservé par les généraux Foch et Pétain en 1918 à Lüdendorff est caractéristique : chars légers et avions sont, pour la première fois de l’histoire, utilisés en offensive. La guerre augmente le rythme de la manœuvre.

C’est ainsi que, surpris par l’attaque combinée des IVè, Vè, VIè, IXè armées soutenues par 1 500 canons et 310 chars, Lüdendorff doit battre retraite afin de reformer ses lignes.

La tactique comme la stratégie traduisent un changement radical entre 1914 et 1918.

En 1914 ont lieu les batailles de mouvement comparables à celles du XIXè siècle.

Puis la guerre se transforme en une série de batailles mécaniques où le potentiel industriel devient le réservoir de la victoire et non plus seulement le nombre d’hommes.

A la bataille décisive se substitue la bataille, élément d’une stratégie complexe.

A la différence de 1914, où l’économie du pays s’arrête avec l’entrée en guerre, celle-ci s’effectuant avec des stocks, s’est mise en place en 1918 une économie de guerre qu’il faut alimenter par un effort demandé à tous. Ainsi, la guerre n’est plus uniquement une affaire d’hommes, car les femmes deviennent un des éléments moteurs de son économie. Assumée ou voulue, cette guerre est bientôt subie, et la fatigue s’en fait sentir à l’arrière comme au front.

Ainsi voit-on périr la bataille du XIXè siècle lors de la première bataille de la Marne, et entr’aperçoit-on celle du XXè siècle dans la seconde.

D’une Marne à l’autre, l’artillerie française s’est adaptée

Lors des deux batailles de la Marne, l’artillerie est un élément majeur et décisif.

Les initiatives d’officiers d’artillerie sachant dépasser les formules réglementaires, la virtuosité des commandants de batterie d’active ou de réserve - sortant le plus souvent d’écoles d’ingénieurs -, le comportement exemplaire d’une troupe instruite et fière de son arme, ont permis à l’artillerie française de réaliser durant la première bataille de la Marne, des tirs d’une efficacité décisive.

Le 6 septembre 1914, le colonel Estienne, commandant le 22è régiment, emploie deux avions légers à ailes repliables de son établissement de Vincennes pour détecter et désigner à l’ensemble de son artillerie des rassemblements importants d’artillerie et d’infanterie allemandes : l’attaque des troupes allemandes, terriblement éprouvées par les feux, ne débouche pas.

Le 7 septembre, le colonel Nivelle fait tirer deux de ses groupes à vue sur l’infanterie allemande, bloquant l’attaque ennemie dans cette brèche. Le 9 septembre, le capitaine Bellanger formé par le colonel Estienne, guide des tirs d’artillerie par avion, faisant taire les éclatements allemands.

En 1914,l’artillerie accompagne l’infanterie. A partir de 1915, l’artillerie prépare et l’infanterie conquiert. Vers 1917 l’artillerie conquiert et l’infanterie occupe. En 1918, l’artillerie décide du sort de la bataille : elle prépare l’assaut et l’accompagne avec le barrage roulant et le char.

La nuit du 17 au 18 juillet 1918 montent en ligne, entre Soissons et Château-Thierry, canons et chars français, dont le bruit est couvert par de violents orages.

La Xè Armée Mangin, chargée de l’effort, dispose de 470 batteries et 147 canons de tranchée, 375 chars de l’artillerie d’assaut et 40 escadrilles aériennes.

La concentration des moyens s’est effectuée de nuit grâce à la virtuosité du Service automobile aux armées commandé par le colonel d’artillerie Doumenc.

Le 18 juillet à 4 heures, sans préparation, l’attaque démarre derrière le barrage roulant d’artillerie.

L’artillerie française prend sous son feu les routes de ravitaillement des troupes allemandes, qui doivent abandonner la rive sud de la Marne.

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Un tableau particulièrement parlant sur l’évolution numérique de l’artillerie entre ces deux batailles.

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Deux artilleurs de renom pour illustrer cette période :


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