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1674- Le siège de Besançon
 

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C’est à l’issue de ce siège que la Franche-Comté intègre le royaume de France. Le cadre général de cette action est assez long à rapporter. Aussi le visiteur gagnerait à s’en imprégner en lisant l’ouvrage Au son du canon, vingt batailles de l’artillerie, ouvrage collectif sous la direction de Gilles AUBAGNAC, EMCC Lyon 2010, 144 p.(Disponible à la boutique du Musée de l’artillerie)

Résumons ainsi les évènements : Louis XIV a mis sur pied des armées permanentes qui lui permettent d’assurer son autorité et de faire de la France un véritable Etat-nation face aux prétentions des autres pays européens. Avec Louis XIV, l’artillerie devient une arme à part entière dont dépend parfois le sort de la bataille, mais difficilement mobile, elle est surtout employée de manière efficace lors des sièges. En 1674, l’artillerie permet de pendre la ville de Besançon.

La bataille de Besançon

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Après deux échecs sérieux en Hollande en l672 et à Bonn en 1673 en dépit de la suprématie française, le roi veut vaincre à tout prix en Franche-Comté. Sur le terrain, Navailles a tout préparé et Louvois n’a pas lésiné sur la composition de l’armée d’invasion dont le flanc oriental doit être couvert par Turenne qui dispose pour cette mission d’à peine 6 000 hommes. Ils doivent lui suffire pourtant puisque sans bataille, mais uniquement par la manœuvre, il empêche le duc Charles IV de franchir le Rhin et, à travers l’évêché de Bâle, de venir soulager la défense que son fils mène à Besançon.

Le 24 avril, les unités françaises convergent vers Besançon. Le duc d’Enghien, fils du prince de Condé. qui assume le commandement provisoire, les met en place et amorce les opérations de siège mais la pluie contrarie fortement les opérations de logistique d’autant que les paysans tiennent le maquis. Aux abords de la place, le capitaine Vauban effectue les reconnaissances et entreprend les travaux de son vingt-deuxième siège. Il a l’intention de menacer simultanément pour obliger la défense à disperser ses efforts : la porte d’Arènes sur le faubourg de la rive droite et le saillant de Chamars sur l’autre rive du Doubs.

Le roi arrive le 2 mai et son activité inlassable contribue à arrêter deux tentatives de franchissement du Doubs, débordé devant Chamars, dans la nuit du 6 au 7 puis dans celle du 10 au 11. Puis il recommence sur le saillant d’Arènes où le régiment d’Aunis réussit à s’installer sous le tir des artilleurs bisontins dirigés par un capucin, le père Schmidt ! Dans l’ouvrage, la bataille fait rage et les pertes françaises atteignent un millier d’hommes...

La Feuillade se tient prêt à prolonger l’attaque quand les assiégés demandent à parlementer. La confusion règne dans la ville tandis que l’artillerie française pilonne le bastion d’Arènes où la brèche s’élargit progressivement pour laisser passer la cavalerie.

La cité est désormais exposée à l’assaut final et la reddition intervient le 15 mai à 8 heures. Les troupes françaises entrent dans la ville par Chamars, les gardes françaises en tête et la gendarmerie par la brèche ! Le deuxième acte du siège commence et les Français ont beaucoup de mal à hisser une partie de leurs pièces de siège sur les hauteurs de Bregille et de Chaudanne. Le 20, l’assaut est lancé par La Feuillade. Les français installent de nouvelles batteries aux Trois Châtels et les tirs de destruction redoublent, provoquant des mutineries et la capitulation de Besançon. Ainsi, avec des moyens limités, l’ensemble fortifié de Besançon et sa citadelle a tenu vingt-sept jours et ont imposé aux français un effort inattendu. Pendant ce temps, Luxembourg et Listenois ont couvert le siège dans le Jura en occupant Ornans dès le 5 mai et Pontarlier le 8.

Le rôle primordial de l’artillerie lors du siège

A Besançon, l’artillerie du corps de siège comprenait des canons de 24, 16, 12 et 8, matériel qui avait été fondu de 1670 à 1672 en vue de la guerre de Hollande. Les canons de 24 et de 16 sont dits de batterie et sont surtout employés dans les sièges alors que les canons de 12 et au dessous sont des canons de campagne. Quatre mortiers semblent avoir été employés contre la place ; ceux qui étaient en service étaient des calibres 6, 7, 9, 10, 11, 12 et 18.

L’artillerie pendant le siège ne dispose pas de tactique précise et ses missions sont multiples : démonter les canons et chasser les troupes adverses de leurs positions, ruiner les fortifications. Au bout du compte, l’artillerie réalise des missions de contre-batterie, de tir sur le personnel, de destruction et de neutralisation comme sur le saillant d’Arènes. Les deux premières missions sont remplies par des batteries dites "à ricochet" qui enfilent une partie de la fortification de manière que le boulet tombant sur le terre-plein, ricoche et en parcourt toute la longueur. D’où la nécessité de se ménager de larges embrasures et d’établir des plates-formes permettant un grand champ de tir horizontal.

Le déploiement initial des pièces d’artillerie lors du siège se trouvait très simplifié par la connaissance acquise par les Français des environs de la ville pendant l’occupation de 1668. Louvois avait pu ainsi prendre à l’avance la décision d’installer des batteries sur les hauteurs de Chaudanne et de Brégille et avait prescrit au duc d’Enghien de faire rechercher, dàs son arrivée, les chemins permettant de conduire des canons sur ces montagnes.

Chaudanne est ainsi aménagée en premier dès le 23 avril. Un cours d’histoire militaire de l’Ecole d’artillerie d’Auxonne, édité en l8l5, commente cet aménagement : "0n hissa avec des grues et des chaînes de fer, sur une montagne qui dominait la citadelle, 40 grosses pièces d’artillerie". Afin de renforcer les pièces en état d’agir contre la citadelle, il est prélevé par la suite, sur les batteries devenues sans emploi après la chute de la ville, le matériel nécessaire à la constitution de la batterie n° l0 à 7 pièces et au renforcement de la batterie n°7 à l5 pièces à Bregille, à la constitution de la batterie n°11 à Chaudanne. Les travaux sont poussés activement et, le 20 mai, toute cette artillerie est en état d’ouvrir le feu. A partir de cette date, 33 bouches à feu écrasent de leurs boulets le réduit de la ville défendue par une artillerie de défense de faible calibre et numériquement peu importante commandée par le père capucin Schmidt, assisté du père Gillet. Ces deux moines artilleurs surent tirer un excellent parti des moyens extrêmement réduits dont ils disposaient.

Louis XIV fier de son artillerie

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L’influence du roi est considérable sur l’armée. Elle tient non seulement au prestige qui l’entoure en raison de sa charge de roi, mais est due aussi à sa fonction de commandant en chef au siège de Besançon. Son action personnelle est décisive au milieu des soldats, dans les tranchées en les encourageant par son exemple dans les moments difficiles, allant jusqu’à placer lui-même les batteries, suivant de près la progression des travaux, donnant des primes comme il le fera le 9 mai pour chaque gabion [1] placé en sa présence.

Il s’exposa même le 5 mai devant le moine artilleur, le père Gillet, qui envoya un boulet sur un groupe de soldats français entourant un dignitaire : c’était Louis XIV en personne venu voir ses batteries et examiner les travaux de la défense. Un de ses pages eut même le bras emporté à deux pas de lui.

L’artillerie de défense, violemment contrebattue par celle de l’attaque et donc peu dangereuse, causa néanmoins à l’assiègeant des pertes sensibles, surtout en officiers. Ainsi le marquis de Bernghen commandant le régiment Dauphin fut tué par un boulet au moment où il descendait de service aux tranchées, la marquis d’Arcy, aide de camp du roi, fut aussi blessé...

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[1] Sorte de panier de forme cubique, ou cylindrique, qu’on remplit de terre et dont on se sert dans les sièges pour mettre à couvert les travailleurs, les soldats, etc.


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