Cet article du général Thierry Durand, alors commandant l’Ecole d’Artillerie, est extrait de l’avant-propos de l’ouvrage dirigé par Gilles Aubagnac : "Au son du canon, vingt batailles de l’Artillerie".
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L’histoire de l’artillerie se confond quasiment avec celle de la construction de la France comme Etat-nation. Les premières bouches à feu apparaissent en Europe au XIVème siècle, mais c’est en 1453 que l’artillerie française joue son premier rôle significatif sur le champ de bataille. A Castillon, l’artillerie du roi de France défait les troupes de l’Anglais Talbot et met fin à la guerre de Cent Ans. Depuis maintenant plus de six cents ans, l’artillerie a été l’un des acteurs de l’histoire de notre pays et il serait possible de dire que la France s’est faite à coups de canon. Les artilleurs ont été de tous les combats, souvent à la pointe des découvertes et progrès technologiques de leur temps. Néanmoins, l’histoire les a souvent oubliés car l’épopée de l’infanterie ou de la cavalerie a inspiré plus d’auteurs que les prouesses techniques autant que guerrières des artilleurs. Il existe néanmoins de nombreuses histoires de l’artillerie : de celle du général Suzanne à la fin du XlXe, à celle de Favé du début du XXe ; des nombreux auteurs qui ont écrit sur des combats particuliers, tel le général de Brancion, avec une grande compétence, aux ingénieurs qui ont montré les évolutions technologiques de l’arme comme Michel de Lombarès.
Le but de ce petit livre (« Au son du canon ») est tout autre et sans nulle prétention académique. Cette histoire de l’artillerie française en vingt batailles est destinée aux jeunes générations d’artilleurs de ce début de XXIème siècle qui, souvent, maîtrisent mieux l’informatique et la technique que l’histoire.
L’histoire n’est pas une fin en soi mais elle est un élément de la culture générale du militaire qui, s’il n’était qu’un technicien, ne serait qu’un piètre soldat. L’étude et l’analyse du passé restent indissociables de la formation du jeune chef : elle alimente la réflexion tactique par un fond de référence et parce qu’elle nourrit la fierté légitime à laquelle accèdent les jeunes sous-officiers et officiers entrant dans l’artillerie. Le but n’est pas de se retourner vers l’image de l’artillerie d’hier. La culture générale permet seulement d’aborder les questions du moment avec recul et lucidité, de se méfier de l’air du temps, d’éviter les réflexions anachroniques et de tenter de distinguer ce que l’on veut de ce que l’on peut. Il ne faut pas se retourner vers le passé mais il faut le regarder « dans des rétroviseurs », pour mieux aller de l’avant.
Ainsi, qu’est-ce que l’artillerie et les artilleurs en 2010 ? Voici une réponse à travers un texte qui a pour origine une publication de l’état-major de l’armée de Terre :
Les artilleurs, toutes spécialités confondues, se reconnaissent dans une victoire qui a mise en avant leurs qualités : Wagram. Aujourd’hui comme en 1809, l’artillerie, au cœur de la mêlée coordonne, délivre des feux et met en œuvre des moyens à la pointe du progrès au profit d’une action d’ensemble, dans un cadre interarmes. Wagram c’est l’âme de l’artillerie, c’est la force de l’imagination canalisée, c’est la puissance de la volonté affirmée, c’est l’efficacité de la compétence partagée. L’artillerie est l’arme de la décision.
L’artilleur est un soldat : homme d’équipe, disponible aux autres, ouvert à celui qu’il appuie, rigoureux et toujours à l’affût d’initiatives, Il est animé par une prédisposition à comprendre, travailler, proposer et côtoyer des personnes issues de milieux et de cultures différents, en respectant leur spécificité. L’artilleur est l’homme des solutions !
Au-delà de la bataille de Wagram, l’artillerie et les artilleurs puisent une partie de leurs savoir-être dans cette longue histoire, à la fois la grande Histoire nationale, mais aussi à la petite histoire, celle de nos anciens, des artilleurs connus ou obscurs. Cet ouvrage a ainsi pour objet de rappeler de manière simple et didactique l’histoire de l’artillerie et de ceux qui l’ont faite. Le souvenir et la reconnaissance des gloires du passé, proche et lointain - de Castillon en l453 au mont lgman en 1995-, se posent en référence et en autant de guides d’action pour les jeunes générations. En outre, l’affirmation d’une communauté d’armes autour du service du canon renforce le lien collectif nécessaire à la solidité de l’ensemble au combat, gage de l’efficacité opérationnelle des artilleurs et des bigors.
Tout cela n’est pas inné, s’apprend, se cultive, se diffuse. Ce livre apporte sa pierre à cet édifice et doit être un complément à la formation de l’artilleur. Néanmoins, ce n’est pas le seul but de cette publication qui veut toucher un plus grand public intéressé à la fois par l’histoire de la France et par celle de l’artillerie française dans le monde.
L’histoire doit être narration et interrogation.
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Pour en savoir plus, lire Au son du canon, vingt batailles de l’artillerie, ouvrage collectif sous la direction de Gilles AUBAGNAC, EMCC Lyon 2010, 144 p.(Disponible à la boutique du Musée de l’artillerie)