Après la défaite de 1870, la France se lance dans une véritable politique sociale et économique. Il faut alors exporter les idées de progrès et de liberté vers les autres peuples. Les conquêtes coloniales expriment cette volonté en Afrique, à Madagascar et en Indochine.
A la fin du XIXè siècle, des centaines de colonnes sont créées, des milliers de soldats, parmi lesquels de nombreux artilleurs, y prennent part.
Le rôle de l’artillerie au sein des colonnes de marche est parfaitement illustré durant les campagnes du Soudan, de Madagascar et du Tonkin.
C’est une campagne rapide qui aboutit à la création du Soudan français (actuel Mali), mais pas stabilisée puisque le chef de guerre Samory Touré (1830-1900)cherche inlassablement à reconquérir son territoire qu’on vient de lui confisquer.
En 1891, le lieutenant-colonel Archinard dirige contre Samory une colonne constituée de 800 combattants avec une batterie et deux sections d’artillerie. En 1892, la lutte reprend sous les ordres du lieutenant-colonel Humbert, avec notamment une batterie de 80mm de montagne et une section de 80mm de campagne. En 1893, une longue colonne armée de six pièces de campagne s’engagent, dans le Sud, contre les sofas (soldats de Samory) qui sont écrasés en protégeant la fuite de leur chef. Après un calme précaire, Samory reprend l’action, aidé par Babemda Traoré (roi du Kénédougou) qui rompt l’alliance imposée par les français.
En avril 1898, la France veut en finir avec les chefs locaux. Le colonel Andéoud lance une colonne lourdement équipée en artillerie : une batterie de quatre pièces de 80mm, une section de 80mm et deux pièces de 90mm. La ville de Sikassa où sont retranchés 30000 indigènes est bombardée pour couvrir l’infanterie tout en réduisant l’ultime bastion indigène. Balemba se suicide. Samory est poursuivi, capturé et exécuté.
La seconde expédition de Madagascar a pour but l’instauration d’un protectorat français sur l’île.
En effet, la reine ayant refusé la domination européenne le 22 octobre 1894, la guerre est déclarée le 25 et la France envoie de nombreuses troupes sur ces terres lointaines.
Parmi elles sont présents 74 officiers et 1837 soldats de l’artillerie de marine équipés de trente canons de montagne, douze canons de campagne et quatre canons de 120mm court de type Baquet. Le climat sur l’île est rude et 386 artilleurs meurent du paludisme. Les déplacements sont difficiles car les mulets et les chevaux européens succombent. Les voitures Lefebvre qui tractent les canons sont inefficaces, voire dangereuses. Ainsi, seuls les canons de montagne tirés par 7500 coolies et mulets peuvent être intégrés aux colonnes qui marchent vers le palais royal.
A l’approche de Tananarive, la capitale, une armée de plusieurs milliers de Malgaches est détruite par les canons français.
Arrivée devant le palais de la reine malgache, la 16è batterie du 38é régiment d’artillerie tire sur la demeure royale. La résistance cède sans condition et la France se rend maîtresse de l’île.
En 1884, la souveraineté française est remise en cause dans la colonies tonkinoise par de nombreuses exactions. Pour ramener la paix et asseoir sa domination, la France envoie un important contingent qui débarque en février à Haiphong, avec deux batteries de six pièces de 80mm du 12é régiment d’artillerie coloniale, un détachement d’ouvriers et de pontonniers, et un parc d’artillerie.
Les troupes fraîchement arrivées vont donc vivre plus de quatre années de campagne, de 1884 à 1888.
L’emploi de l’artillerie au Tonkin est continu, pour permettre l’avancée des troupes avec un appui permanent. Cependant cette avancée est coûteuse car extrêmement pénible. Les canons sont utilisés lors de chaque déplacement.
Plus de 1000 coups son tirés en 1884 pour imposer la volonté française au gouvernement d’Annam. A Chu, quatre assauts sont préparés par des mises en batterie à moins de cinquante mètres des fortins. Puis à Hoa-Moc, 224 coups sont tirés à 400 mètres des retranchements ; plus de cinquante coups sont tirés à dix mètres de l’objectif et ouvrent la voie à l’infanterie.
Au final, les artilleurs du 12é régiment, débarqués en février 1884 à Haiphong, ont permis aux troupes françaises de conquérir le Tonkin.
Ce détachement a perdu six hommes dont un officier, a gravement souffert du climat et des maladies, et a eu six de ses officiers cités pour hauts faits d’armes. pour plus d’infomtaions sur ces campagnes de l’artillerie voir sur Gallica, ce document :
Dessins de M. CHEMOULSKI - extraits du MONDE ILLUSTRÉ
La conquête "au canon" n’est pas le seul rôle dévolu aux artilleurs. Ils apportent aussi leurs connaissances techniques [1], leur esprit d’initiative et leur dévouement à la mise en valeur des colonies.
Suite à la fâcheuse expérience vécue en Egypte (affaire Fachoda : incident diplomatique sérieux qui opposa la France au Royaume-Uni), la France ressent le besoin de mettre ses colonies à l’abri. Les crédits affectés à la défense des points d’appui et des places-fortes coloniales sont doublés en 1899. Les crédits de la loi Gautret (20 juillet 1900) sont délégués aux directions d’artillerie coloniales intéressées.
C’est donc au sein de son corps d’officiers que sont puisées les ressources nécessaires à la réalisation des ouvrages (études, conception, recrutement de la main d’œuvre, suivi de chantier).
En plus de l’équipement militaire, les artilleurs ont aussi participé à la prospérité économique de ces terres.
Les domaines sont multiples :
A cela s’ajoutent la construction d’hôpitaux, de dispensaires, de puits, de citernes et des phares côtiers.
Le service géographique aux colonies prend aussi très vite de l’ampleur. Les officiers d’artillerie se transforment en astronomes, géodésiens ou topographes. Ils apportent la preuve de leur passion pour les tâches et de leur esprit scientifique. Ils apportent des perfectionnements appréciés à la technique géographique ; citons :
Il convient aussi de citer les missions de délimitation Congo-Cameroun et la mise au point de la photo-topographie.
Le texte de cet article est inspiré de l’ouvrage : Au son du canon, vingt batailles de l’artillerie, ouvrage collectif sous la direction de Gilles AUBAGNAC, EMCC Lyon 2010, 144 p.(Disponible à la boutique du Musée de l’artillerie)
[1] A cette époque l’école de Fontainebleau est le siège de l’Ecole d’application de l’artillerie et du génie. Les connaissances acquises dans ces deux disciplines arment les hommes à la combinaison judicieuses des savoirs