Le premier exemple est la neutralisation, le 17/O4/1918, du « Grand Canon » de Leugenboom, opérée sur le front belge [1].
Cette pièce, d’un calibre de 380 mm, bombarde régulièrement Dunkerque, distant de quarante-quatre kilomètres. L’installation comprend également un faux emplacement apparemment équipé de « marrons à lueur », destinés à leurrer nos repéreurs.
La complémentarité SROT-SRS et la coopération franco-belge est exemplaire à cette occasion. Dans la nuit du 16 au l7 octobre, le brouillard empêche de repérer une SROT belge qui passe le relais à une SRS française voisine. Celle-ci achève les déterminations et les transmet rapidement, par liaison téléphonique, à une batterie d’ALGP de 320 mm, située à trente kilomètres de l’objectif.
La contrebatterie commence tandis que les SRS environnantes étudient les éclatements de nos obus et aident à l’ajustement du tir. Il suffit de dix coups seulement pour toucher les fortifications à deux mètres de la pièce alors qu’en quinze jours, deux cent quatre coups avaient été tirés en vain par les mêmes batteries.
La localisation d’une des « grosses Bertha » reste la plus célèbre réussite et la plus chère aux yeux des repéreurs.
Ces pièces mythiques sont en réalité l’adaptation d’une pièce de marine destinée à un croiseur jamais construit.
D’un calibre de 380 mm, le canon peut envoyer un projectile de cent quarante kilogrammes à une distance de cent vingt kilomètres.
Une dizaine de modèles sont construits et installés autour de Paris de mars à août 1918. Ils tirent environ quatre cents obus sur la capitale et causent la mort de deux cent cinquante-six personnes. De ce fait, ils deviennent en même temps une insupportable provocation pour les alliés et un objet de fierté, symbolique de la supériorité de leur artillerie, pour les Allemands.
Le 28 mars 1918, les repéreurs et les artilleurs français réussissent l’exploit de localiser et de neutraliser la première pièce mise en service cinq jours à peine après ses premiers tirs.
Un rapport allemand constitue le meilleur hommage que l’on puisse rendre au Repérage :
« ... un coup d’artillerie tombe à deux cent cinquante mètres de notre poste. Quelques minutes plus tard, un deuxième coup à cent mètres du premier. Pas de doute nous étions repérés et on nous tirait dessus avec de l’artillerie lourde...Comment, trente heures après notre premier coup, les Français avaient-ils pu, d’une part déterminer notre position, en dépit de la précaution que nous avions prise de faire tirer d’autres pièces au même moment et, d’autre part, mettre en batterie une pièce lourde et, à une distance de vingt-cinq kilomètres environ, ouvrir le tir d’une façon aussi précise ? Ce fut pour nous une énigme » [2].
[1] Colonel (R) MONNET, Les Sioux, n° 149, page 4. Le Colonel de Réserve MONNET est un ancien des 2e SRS, 4e BRF, 21e BRF.
[2] Selon le LCL CARI : conférence sur les Services de Renseignement, 1934