Histoire de l’Artillerie, subdivisions et composantes. > 2- Histoire des composantes de l’artillerie > L’artillerie du Repérage et de l’Acquisition : renseignement d’artillerie. > 4- Du Repérage à la Surveillance du champ de bataille, puis à l’Acquisition des objectifs. >
2 - Le repérage moderne (1945 à nos jours)
 

2 - Le repérage moderne (1945 à nos jours)

21 - Le repérage devient l’acquisition d’objectifs (1945 - 1992) :

L’acquisition d’objectifs est une notion relativement récente (fin deuxième guerre mondiale) qui a pris petit à petit la place du repérage. Elle s’est finalement imposée car, d’une part, l’apparition des radars qui permettaient la contre batterie quasi immédiate, et d’autre part, la manœuvre de plus en plus rapide ne donnaient plus le temps nécessaire au déploiement systématique des moyens de repérage anciens.

La guerre moderne qui s’appuie sur la manœuvre et le feu a obligé l’artillerie à chercher à développer des moyens d’acquisition d’objectifs plus performants, d’une part en terme de temps de réponse, d’autre part, en terme de précision. Dans le domaine radar, elle a complété la contre batterie (RADAR Q4 et Q10) qui ne permettait que la prise en compte des batteries en train de tirer, par la recherche des objectifs en mouvement avec les SDS (radar de surveillance du sol).

Puis elle a cherché une possibilité d’acquisition dans la profondeur à partir de véhicules aériens sans pilote (à l’époque il n’y avait pas de drones) télépilotés ou programmés comme le R.20 qui pouvaient pénétrer les lignes jusqu’à 150 km et transmettre leurs informations images en infrarouge en vol à une station sol d’exploitation.

Les progrès radar ont permis la mise au point du RATAC (Radar d’Aide au Tir de l’Artillerie de Campagne) qui autorisait, la détection, la reconnaissance et la localisation précise des objectifs en mouvement jusqu’à 10 à 15km derrière les lignes. Il permettait également l’observation précise des coups et donc le réglage des tirs même sur objectif mobile.

Cependant, les observations des RATAC n’étaient pas possibles derrière le premier masque du terrain et l’artillerie continua à développer les radars de trajectographie qui eux, n’étaient pas gênés par les masques, au contraire.

Dès les années 1980/90, l’artillerie s’équipa de drones (CL 89 puis plus tard CL 289) et se dota des moyens d’exploitation des images en temps réel pour pouvoir traiter les objectifs dans la profondeur.

En parallèle, les progrès de la technique permettaient :

  • d’une part, la mise au point du VOA [1] (Véhicule d’Observation de l’Artillerie) qui permettait de désigner par coffret message source ATLAS  [2] directement à l’artillerie, un objectif acquis ;
  • d’autre part, la mise au point de drones lents, télécommandés en temps réel, et transmettant des images vidéo directement à la station sol, qui jouait le rôle d’observateur d’artillerie ; ainsi est né le MART (mini avion de reconnaissance télépiloté)qui, expérimenté au 8è RA, a équipé plus tard le 6ème RA, au retour de la première guerre du Golfe ;
  • enfin, l’intégration d’un radar de surveillance du sol dans un hélicoptère (ORCHIDEE/HORIZON) qui pouvait détecter et localiser les cibles mobiles jusqu’à 50 km de l’hélicoptère, le radar et son exploitation étant télécommandés depuis une station sol remplissant le rôle de CDE (Centre de Direction et d’Exploitation).

Ces deux derniers systèmes ont d’ailleurs été engagés, et leur efficacité expérimentée, avec succès, sur le terrain, pendant la première guerre du Golfe.

Cette expérimentation s’est terminée sans lendemain avec la dissolution du 6ème RA (devenu 6ème Groupe du 7ème RA en 1993) puis la création de la BRGE (Brigade de Renseignement et de Guerre Electronique) qui s’est transformée ensuite en BR (Brigade de Renseignement) et qui comprenait tous les régiments dits de "renseignement" de l’Armée de terre.

22 - De l’acquisition d’objectifs au renseignement (1986 à 1995) :

En même temps que se développaient ces systèmes modernes d’acquisition d’objectifs, l’E.M.A.T. [3] (bureau études 8, renseignement / guerre électronique) et l’Inspection de l’artillerie travaillaient à un concept d’acquisition d’objectifs par exploitation multicapteurs.

Il s’agissait alors de créer entre le 6ème R.A., équipé de radar (RASIT puis théoriquement ORCHIDEE) et le 7ème R.A. équipé de drones (CL 89 puis CL 289), une synergie destinée à faire apparaître d’avantage d’objectifs pour l’artillerie.

En effet, les radars détectaient et localisaient les mouvements, et les drones, envoyés sur ces détections, permettaient la reconnaissance et la localisation précise des objectifs intéressants, dont les paramètres étaient alors transmis, par le PC multicapteurs, à l’artillerie grâce au système ATLAS. C’est ainsi que sont nés les RSA (Régiment de Surveillance et d’Acquisition) qu’ont été les 6ème et 7ème R.A.

L’expérimentation des RSA a, en effet, démontré la synergie qui existait entre le RASIT (6ème RA) et le CL 89 ou le CL289 (7ème RA), puis avec le CRECERELLE (remplaçant du MART et mis au 6ème groupe du 7ème RA), laissant aussi supposer qu’elle serait meilleure avec des radars à portée plus grande ou d’autre capteurs permettant la détection sur des zones plus importantes.

Cette idée a donc été reprise et globalisée par l’E.M.A.T. (bureau études 8 - renseignement/guerre électronique) qui en a fait le concept SATIS (Système Automatisé de Traitement de l’Information de la Surveillance). En effet, on distinguait alors la surveillance, assurée par les capteurs (guerre électronique, radars aériens ou sol-sol, imagerie aérienne, avions de reconnaissance,,drones rapides et lents, capteurs au sol etc..), et le renseignement qui était réalisé par les cellules RENS des PC des forces par exploitation des informations (dites brutes) fournies par les capteurs.

Ce concept a été expérimenté par les PC des RSA qui intégraient alors les DL (Détachement de Liaison) des autres capteurs.

Il s’agissait alors de fournir :

  • d’une part, à la cellule RENS, des informations datées, localisées, qualifiées, cotées et notées, si possible recoupées et agglomérées, à un rythme à définir ;
  • d’autre part, à la cellule feux, les objectifs susceptibles d’être traités par l’artillerie ou d’autres moyens désignés par cette cellule. Les objectifs potentiels étaient sélectionnés parmi les informations, comme étant :
    • dignes d’un traitement par le feu (priorité à définir),
    • non susceptibles de disparaître (dans un laps de temps à définir),
    • localisés avec précision (à définir selon l’arme prévue pour le traitement),
    • désignables (ou non) à une arme intelligente,
    • dont le traitement peut être évalué (ou non) après coup.

En effet, la précision de localisation des objectifs par les moyens de renseignement modernes est tellement grande que le tir d’emblée est devenu la règle (sur les objectifs retenus) et que seule l’évaluation du résultat du traitement doit être réalisée.

23 - Le nouveau repérage (depuis 1995) :

La synthèse de ce qui précède est relativement facile à faire :

  • le repérage consistait à détecter, reconnaître et localiser les objectifs de l’artillerie quand les combats se déroulaient front contre front,
  • au fil de l’évolution des techniques et de la place prépondérante de la mobilité dans le combat moderne, le repérage est devenu "la surveillance du champ de bataille (au profit du renseignement) et l’acquisition des objectifs (au profit de l’artillerie)", et les régiments de repérage, les RSA (6ème et 7ème RA) ;
  • aujourd’hui, le repérage ou l’acquisition d’objectifs ne se conçoit plus à l’usage exclusif de l’artillerie, mais à celui commun de la manœuvre et du feu, inséparables et indispensables à l’ensemble de la force opérationnelle. Ils font partie intrinsèque d’un ensemble complexe, en mouvement permanent et en perpétuelle évolution qui s’appelle le "dispositif (ou les capteurs ou les sources) de renseignement".
  • Dans le même esprit, est né en 1995 le concept de drones MCMM (Multi-Capteurs Multi-Missions) qui rendrait les drones, mis en œuvre par l’artillerie, capables d’effectuer des missions au profit de tous (vérification de renseignement particulier, traitement d’objectif désigné, brouillage sur zone ennemie, relais de transmission, guerre électronique, ouverture d’itinéraire, etc...), en dotant toutes les parties prenantes de stations légères de direction et d’exploitation adaptées aux différentes missions et en permettant, à un seul drone (multicapteurs), de partager la durée de son vol (plusieurs heures) en plusieurs missions, effectuées au profit de stations différentes, qui le prennent en compte à tour de rôle.

Ces moyens de renseignement sont dispersés dans toutes les unités, certains de ces moyens appartiennent à l’artillerie, d’autres sont TTA (toutes armes), mais toutes les informations captées par ces sources sont mises en commun pour former une image évolutive de la situation des cibles adverses.

Les sections opérationnelles, du régiment de renseignement d’origine image de l’artillerie, le 61ème RA, sont des éléments constitutifs du dispositif de renseignement, ainsi que les sections COBRA du 1er RA ou les sections des batteries de renseignement de brigade (BRB).

Les RATAC, les RASIT, les drones courte portée DRAC ou les drones SDTI, les COBRA, les SL2A ou autres capteurs "son", fournissent les renseignements à partir desquels seront sélectionnés les objectifs assignés aux moyens feux, dont l’artillerie.

La réalité est dure mais il ne faut pas se la cacher, aujourd’hui, il n’existe peu de moyen (ou de système) de "repérage", il n’existe que des moyens (ou système ou source) de "renseignement" !

[1] le VOA était équipé d’un navigateur terrestre, d’un télémètre laser et d’un calculateur qui donnait directement les coordonnées de la cible

[2] Automatisation des Tirs et Liaisons de l’Artillerie Sol-sol

[3] Etat-Major de l’Armée de Terre


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