Cet article est extrait de l’ATLAS 2011 de l’Artillerie - septembre 2011, dans la rubrique "La culture d’arme" - pages 132 et 133.
Défaite lors de la Guerre de l’opium, la Chine est contrainte par une série de traités, entre 1842 et 1844, à accepter l’entrée des occidentaux sur son territoire. L’intrusion des étrangers, de leur commerce et de leur culture provoque un épisode de révoltes nationalistes et xénophobes à partir de 1897, sous la dynamique de la société secrète du Poing de la concorde et de la justice, plus connue sous le nom de Boxers. Cet épisode est à son apogée au printemps 1900, lorsque l’impératrice Tseu Hi soutient objectivement ce mouvement qui attaque par la force armée, les intérêts économiques et les représentations diplomatiques des nations établies dans des concessions, appelées aussi « légations ».
L’assassinat de nombreux ecclésiastiques européens, le saccage d’églises et de missions, l’attaque de trains et le meurtre du chancelier de la délégation du Japon et du chef de la mission diplomatique allemande conduisent au siège en règle du quartier des Légations à Pékin, défendu par moins de 1000 hommes prélevés sur les navires de guerre européens présents dans la région.
Les 55 jours de Pékin
Pour secourir les assiégés, l’Allemagne, l’Autriche,
les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne,
l’Italie, le Japon et la Russie envoient- immédiatement
une première colonne de 15.000
hommes qui se retrouve elle-même bloquée
dans Tien-Tsin, sous les ordres du
général russe Stessel. Elle est dégagée,
début août, par une force internationale
de 150.000 hommes, placée sous le
commandement du comte von Waldersee,
feld-maréchal allemand. Enfin, le 14
août 1900, après cinquante-cinq jours de
siège, les troupes de secours pénètrent
dans Pékin. Les légations sont libérées et
l’impératrice s’enfuit. Ce conflit, auquel
18.000 soldats français ont participé, se
termine par des négociations aboutissant
à la signature d’un traité de paix avec la
Chine, le 7 septembre 1901. Le retour de
l’impératrice Tseu Hi à Pékin, le 6 janvier
1902 s’accompagne du versement par
la Chine d’une indemnité de guerre d’un
montant de 450 millions de dollars. Tout
acte contraire aux intérêts étrangers est
désormais interdit aux Chinois auxquels
est imposé l’envoi dans les grandes capitales
européennes d’ambassades expiatoires.
L’artillerie française dans la campagne
de Chine
Du côté français, dès juillet, un bataillon
d’infanterie coloniale et une batterie d’artillerie,
soit 800 hommes, sont engagés
et participent à la défense de Tien-Tsin.
Ils sont suivis par l’équivalent d’une brigade
interarmes, sous le commandement
du général Frey, qui participe à la reprise de la marche sur Pékin, puis à l’entrée dans la
cité impériale le 15 août. Enfin, un petit corps
expéditionnaire de 17.000 hommes dont trois
batteries d’artillerie de 75 et sept batteries de
80 de Bange, sous le commandement du général
Voyron, débarque en Chine en septembre
pour participer à l’occupation du pays avant de
rembarquer à l’automne 1901.
Tien-tsin, 80 de montagne contre murailles
millénaires
Partant du port de Takou le 1er juillet, la colonne de secours du général Stessel, marche sur Tien Tsin qu’elle aborde le 13. L’ennemi s’est retranché dans la partie murée de la ville et dans le « Fort Noir ». Il est appuyé par trois batteries implantées le long du canal de Lou-Tai. La force multinationale, composée de contingents français, russe, américain, japonais et allemand (11.700 hommes) renforcée de deux batteries d’artillerie de marine (canon de 80 de montagne), attaque sur deux axes, de part et d’autre de la rivière Pei-Ho. La première colonne (Français, Japonais, Américains et Britanniques) conduit l’attaque frontale par le Sud ; la deuxième colonne (Russes, Français et Allemands) doit tourner la ville par l’Est puis se rabattre vers l’Ouest pour enlever les batteries et le « Fort Noir ». La 13ème Batterie [1] prend part à l’attaque directe sur la « ville murée », tandis que la 2ème Batterie est mise à la disposition des russes et accompagne l’attaque débordante sur la rive gauche.
Grâce à l’attaque de diversion, l’arsenal de l’ouest est pris presque sans combat. Toutefois, la 13ème Batterie à court d’obus à la mélinite ne parvient pas à faire une brèche dans les murs de la ville, l’assaut est alors ajourné. Rive gauche, sur l’axe d’effort de l’attaque, les Alliés sont parvenus à la pointe du jour à moins de 1.000 mètres des premières batteries chinoises. C’est l’appui direct fourni par la 2ème Batterie du capitaine Joseph, qui va précipiter la rupture du front et la chute de Tien-tsin. En deux coups, elle atteint des magasins à poudre en arrière du dispositif ennemi ; une explosion se produit alors, si violente que « toutes les casquettes russes sont enlevées par le souffle ». Profitant du désarroi des Chinois, les Russes attaquent les batteries à la baïonnette et les enlèvent après une courte résistance. Les Alliés sont aux abords de la ville murée et du « Fort Noir ». Le mouvement tournant des Russes a été à ce point décisif que les deux derniers objectifs sont pris sans coup férir le lendemain matin. Après la prise de Tien-tsin, les troupes alliées, exténuées par l’effort considérable qu’elles avaient dû faire pour venir à bout de la résistance des Chinois, ne sont pas en mesure d’exploiter leur victoire. La progression vers Pékin n’est relancée que le 8 août et la ville est prise, après de durs combats, entre le 14 et le 16 août 1900.
L’expérimentation du 75 mm
Approuvé en 1898, présenté au public lors de
la revue du 14 juillet 1899 à Longchamp, le canon
de 75mm modèle 1897 révolutionne l’artillerie
par sa maîtrise du recul de la pièce, grâce
au frein hydraulique qui l’équipe. Il est utilisé
pour la première fois en Chine en 1900 où il fait
rapidement ses preuves. Pesant moins d’une
tonne, capable de tirer cinq à six coups par minute
en emploi normal et près de vingt coups en
tir d’urgence, cette arme peut aussi tirer sans
voir ses objectifs. C’est la première du genre.
De plus, la mobilité du 75 en fait une arme parfaite
pour accompagner l’infanterie, y compris
dans les régions difficiles d’accès, quitte à démonter
certaines parties pour les faire porter
par des mulets ou les embarquer sur de petits
bateaux. Dès lors qu’ils sont utilisés, les canons
de 75 font basculer le rapport de force de manière
favorable pour les Occidentaux. De plus,
les artilleurs n’hésitent pas à faire des expérimentations
au cours des opérations : emploi du
canon, écoles à feu pour l’expérimentation des
différentes munitions, emploi en régions montagneuses,
tirs à partir de jonques, etc. Ils ont
ainsi su optimiser au mieux l’emploi de leurs
canons. Le lieutenant-colonel Tariel, alors chef
d’escadron commandant le groupe de 75 du
corps expéditionnaire, publie en 1902 un témoignage [2]
concernant ces expérimentations.
Voir la biographie du Général Edouard Jucqueau, qui commanda la 13è batterie du 20è RA lors de la campagne de Chine.
Pour en savoir plus sur la campagne de Chine,lisez :
[1] Selon le témoignage de son arrière petit-fils (voir le lien à la fin de cet article), c’est le capitaine Edouard JUCQUEAU qui commandait la 13e batterie du 20e RA.
[2] Tariel (lieutenant-colonel V.), La campagne de Chine (1900-1901) et le matériel de 75, Paris, Berger-Levrault, 1902.
[3] Opérations extérieures
[4] Retour d’expérience