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1- De l’emploi de l’artillerie en Indochine.
 

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Le déroulement historique et politique des évènements ne sera pas repris ici. A défaut de lire une abondante littérature sur ce sujet, il peut être utilement consulté dans l’article qui lui est consacré sur Wikipédia sur le lien suivant : cliquer ici.

De l’emploi de l’artillerie en Indochine

A l’automne de l’année 1945, le général Leclerc de Hautecloque reçoit la mission de "rétablir la souveraineté française" en Indochine, souveraineté compromise par l’occupation japonaise et mise à mal par les dissensions françaises qui s’y étaient manifestées pendant la dernière guerre. Il est alors constitué un Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO), constitué essentiellement de deux divisions d’infanterie coloniale (9ème et 3ème), avec leurs artilleries [1] organiques et des éléments d’artillerie non endivisionnés.

La fin de la guerre avec le Japon ne permet que le maintien sur zone de volontaires des unités coloniales, avec cependant une forte proportions d’artilleurs métropolitains. Toutefois en raison de problèmes d’acheminement des matériels et des munitions, ils devront se contenter au départ de ce qu’ils trouvent sur place. C’est peut être la raison pour laquelle les artilleurs seront initialement utilisés comme des fantassins pour s’occuper d’un secteur, d’un sous-secteur, d’un quartier, mais sans les mêmes moyens. Ils s’acquitteront pourtant remarquablement de ces tâches qualifiées d’"antiguérillas", ce qui a fait dire au général Leclerc, après les succès du lieutenant-colonel Charles Chanson dans le secteur de Vaïcos (Cochinchine) "qu’il aimerait remplacer tous ses fantassins par des artilleurs" [2].

Il faut citer aussi les "groupes francs" de l’artillerie dont deux des chefs sont restés célèbres : l’aspirant Michéa et le lieutenant polytechnicien Bergerol , morts en héros l’un en décembre 1946, l’autre en septembre 1947.

Dès qu’elle reçut ses canons, l’artillerie participa aux opérations importantes comme la reconquête des provinces cambodgiennes occupées par les Thaïlandais depuis 1941. Toutefois, il fallait souvent rappeler à chaque opération l’utilité d’"emmener un peu d’artillerie" trop souvent oubliées dans les plans. On en reconnaissait souvent après coup les services rendus, mais son intégration dans la manœuvre laissait souvent à désirer. Puis progressivement on ne savait plus s’en passer.Tout le monde en voulait ce qui conduisit à l’émiettement des groupes, donc à la nécessité de mettre en place de plus en plus de détachement de liaison et d’observation (DLO) pris sur la substance du commandement des groupes, et à trouver des moyens radios supplémentaires. A partir de ce moment là et jusqu’en 1950, plus que par sa puissance l’artillerie est appréciée pour sa capacité d’intervention rapide tant le jour que la nuit.

Les déplacements se font par échelon pour assurer la permanence des feux, donc autant pour les pièces que pour les DLO. Les canons doivent être en position avant la nuit pour faire face aux attaques de nuit par des tirs d’arrêt préparés à l’avance.

A cette artillerie d’intervention s’ajoute une artillerie de position. Des pièces se trouvent réparties sur le terrain, parfois uniques mais "tous azimuts", sur certains postes. Elles sont parfois servies par des fantassins qu’il faut aider à mettre en place des tirs repérés, à partir desquels il est facile de faire des transports de tir. Comme elles sont vite repérées, il faut les protéger en les entourant d’un mur circulaire plus ou moins important selon la capacité de la pièce à être manœuvrée.

En raison d’une cartographie médiocre et de sondages incomplets, il fallait souvent procéder à des réglages sur buts auxiliaires. Les capacités d’observations au sol étant souvent obérées par le relief et la végétation il est fait recours à l’observation aérienne d’artillerie. Mais ces moyens volants sont l’objet d’une grande convoitise et il est difficile d’en conserver la maîtrise même s’ils appartiennent à l’artillerie, au dam des aviateurs qui ne voient pas d’un bon œil les autres intervenants dans l’espace aérien.

En octobre 1950, la situation se durcit avec l’aide apportée par la Chine communiste au Viet-minh. On passe de la guérilla à la guerre.C’est la fin de l’émiettement de l’artillerie. Les forces d’intervention sont organisées en groupements mobiles (GM) dotés chacun d’un goupe de 12 pièces de 105 HM2. On passe à un emploi massif et on recherche la supériorité du feu en concentrant les moyens de l’artillerie, de l’aviation et, parfois, de la marine.

Alors que le nombre de pièces ne croît que de 22%, de 1951 à 1953, la puissance de feux est considérablement augmentée avec une consommation en munition majorée de 92%, réduisant d’une façon significative le ratio des pertes entre français et Viêts à 1 pour 20. La reconquête de la RC6 (18 au 31 janvier 1952), le repli de Hoa-Binh (23 février 1952), l’opération Mouette (1953)se déroulent avec succès grâce à de fortes concentrations d’artillerie (13 batteries pour la première, 30000obus pour le second, sept groupes d’artillerie de GM et deux groupes de 155 pour la dernière).

Les Viet-minh ne s’y trompent pas. Ils se mettent de plus en plus à prendre à partie l’artillerie : les positions de tir et les DLO, y consacrant plus de la moitié de leurs tirs. Ils se rapprochent de plus en plus des positions incitant à en rapprocher de plus en plus les tirs. Les Viets se dotent d’une artillerie de plus en plus importante, aidés en cela par les Chinois qui les équipent en mortiers et canons sans recul pris aux américains en Corée, puis en constituant en Chine un régiment de 24 pièces de 105HM2.

Ces dans ces nouvelles conditions qu’intervient le tragique épisode de Diên Biên Phu qui commence le 13 mars 1954. L’artillerie française y trouve un de ses plus beaux faits d’armes. Forte de deux groupes de 105, trois compagnies de mortiers de 120 et une batterie de 155, elle va subir un choc effroyable. La moitié des tirs viets s’abattent sur l’artillerie du camp, l’autre moitié sur les détachements d’observation et leurs poste radio. Les tirs d’arrêt sont effectués mais ne peuvent être adaptés à la situation. Le lendemain les liaisons radio sont rétablies, les tirs sont repositionnés par le lieutenant Collins du II/4è RAC qui à sa mort est lui-même remplacé par un légionnaire compétent. Mais le 14 la base a perdu tous ses meilleurs observatoires terrestres et ne peut plus compter sur les avions d’observation qui ont du quitter les lieux.

Et puis en final, il faut absolument parler du fait d’armes du Lieutenant Brunbrouk du II/4è RAC qui a foudroyé un bataillon Viêt-minh à bout portant en "débouchant à zéro" la fusée de ses obus, bloquant ainsi l’assaut ennemi. Mais la base fut quand même submergée.

Pour autant l’artillerie continue par un emploi massif à assurer les succès défensifs jusqu’à l’arrivée du Cessez le feu.

Pour compléter votre information voir le site de l’Association des Amis du Musée de l’Artillerie (AMAD) qui a consacré un certain nombre de Bulletins Historiques à l’Indochine (N° 11, 13, 14, 16 et 41), au lieutenant Brunbrouk (N°11 et 41) et voir l’article de Bas’Art consacré au lieutenant Bergerol .

[1] Le colonel Deleuze devait longtemps assumer le commandement par intérim de l’artillerie du Corps expéditionnaire

[2] extrait de l’ouvrage "Histoire de l’artillerie française" de Michel Lombarès avec le concours d’officiers généraux de l’artillerie, polytechniciens pour la plupart dont un certain a été inspecteur de l’artillerie.(P Renaud et Cazeilles, Boussarie et Coulloumme-Labarthe).


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